Après un décès, en France, vous avez le choix d’être inhumé ou d’être incinéré, c’est une obligation légale. Il n’existe pour l’instant pas d’alternative. Cependant, poussé par l’urgence écologique, le secteur funéraire a vu naître ces dernières années des alternatives écologiques pour atténuer l’impact en carbone des funérailles. D’autre part, les familles endeuillées sont en recherche de nouvelles pratiques, pour redonner du sens aux rituels de fin de vie.
Concernant l’élan écologique, il existe par exemple aujourd’hui la possibilité de remplacer le cercueil en bois par un cercueil en carton. Il est aussi possible d’enterrer le cercueil en pleine terre dans un cimetière écologique. Ou encore de limiter la pollution lors des déplacements, avec l’utilisation d’un corbillard électrique. Du côté de la crémation, il est possible d’utiliser des urnes biodégradables, ou de disperser les cendres en pleine nature. C’est une manière de limiter l’empreinte carbone causée par la fabrication d’un monument cinéraire. C’est dans ce mouvement que la première forêts cinéraire a vu le jour, en Allemagne. Ainsi, le cimetière qui était une accumulation de béton et de marbre, devient une forêt.
La naissance de la forêt cinéraire à Arbas, en France
Depuis le 19 mai 2019, une forêt cinéraire a ouvert à Arbas, en Haute Garonne. Elle est à l’initiative d’Élia Conte Douette, experte en développement durable. Elle a créé Cime’tree, un opérateur funéraire différent, qui permet l’inhumation d’urnes biodégradables sous un arbre. Ce nouveau projet se trouve dans la forêt de la Fontaine de l’Ours d’Arbas. Les arbres qui accueillent des urnes sont numérotés, pour permettre au défunt (par anticipation) ou à la famille de choisir l’endroit exact où chacun pourra venir se recueillir. Les possibilités sont nombreuses : en hauteur, près d’un ruisseau, à l’endroit où on entend le mieux les oiseaux… Dans cette forêt ce sont les sens qui parlent ! Vous pouvez réserver un emplacement pour inhumer une ou plusieurs urnes, qui constituent une concession perpétuelle.
Cependant, les débuts de la forêt cinéraires ont été difficiles, puisque l’état s’était opposé au projet en fin d’année 2019. Après un parcours administratif compliqué, les premiers défunts ont pu commencer à reposer dans la forêt dès mars 2020. Malheureusement, en novembre de la même année, la sous-préfecture de Saint-Gaudens a décidé de retirer l’autorisation qu’elle avait précédemment accordée. Les dépôts d’urnes cinéraires ont du être interrompus.
En juillet 2024, la forêt a enfin pu rouvrir. Elia Conte Douette y organise désormais des visistes afin que les futurs « résidents » y choisissent leur emplacement, au pieds d’un hêtre ou un sapin.
Pourquoi la forêt cinéraire a-t-elle été interdite en France ?
Suite au retrait de l’autorisation de faire de la forêt d’Arbas un cimetière cinéraire, Pierre Médevielle, sénateur de Haute-Garonne à demander la raison de ce refus. Le Ministère de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales lui a répondu qu’une forêt cinéraire ne peut être mise en place suite à une incompatibilité des prestations avec le droit funéraire en vigueur actuellement. La mise en place de forêt cinéraire revient à faire payer aux familles en deuil des prestations, qui doivent actuellement être gratuite. La dispersion des cendres étant autorisée en forêt n’est donc pas commercialisable.
Le sujet de la forêt cinéraire est donc pour l’instant en suspend, en espérant que les choses bougent d’ici, des acteurs du funéraires se mobilisent et des collectifs se créent, comme l’association Au-delà des racines, à côté de Strasbourg, qui oeuvre pour préserver les arbres et la forêt tout en offrant un mode de sépulture écologique et un lieu de mémoire intergénérationnelle.
Une deuxième forêt cinéraire dans l’Aude
Dans un tout petit village de la Haute Vallée de l’Aude, La Fajolle a inauguré le 3 octobre 2024 sa forêt du souvenir. 25 arbres ont été recensés et pourront servir concession. Ils accueilleront les cendres des villageois qui souhaitent y être inhumés. C’est une alternative au jardin du souvenir qui rencontre un franc succès : 16 concessions ont déjà été réservées.
La nouvelle forêt funéraire au Sud de Nancy
La commune de Nancy sera l’une des premières grande ville à autoriser l’inhumation des cendres au pieds d’un arbre. Contrairement à Arbas ce service sera gratuit, sur réservation. Une petite forêt cinéraire a commencé à être implantée au printemps 2023. Si tout se passe bien, elle ouvrira ses portes aux visiteurs dès décembre de la même année. Aux pieds des arbres, les familles pourront déposer les cendres de leur défunt, dans une communion avec la nature.
Actuellement, la zone ressemble davantage à un terrain parsemé d’arbres matures et de jeunes pousses. Mais le responsable du service du patrimoine arboré, Yannick Andrès estime que d’ici 15 ans, environ 250 arbres auront pu s’épanouir.
Les avantages écologiques de la forêt cinéraire
Dans notre article sur la crémation et l’écologie, nous dressions un bilan carbone appliqué à l’inhumation et à la crémation. D’après cette étude, l’inhumation est responsable de de 10 % d’émissions de CO2 de plus que la crémation à long terme. La forêt cinéraire représente une alternative solide, et permet de combler le vide laissé par la crémation : le manque de lieu de recueillement. Ce n’est pas une alternative écologique à la crémation puisqu’elle intervient forcément après une crémation. La véritable avancée écologique engendrée par la forêt cinéraire, c’est le fait de préserver une forêt, qui grâce à la présence des défunts, devient un lieu sacré, donc, impossible à raser. La symbolique militante est très forte.
Une solution pour le deuil périnatal
Pouvoir se recueillir dans un lieu est important pour les personnes qui restent et doivent traverser le deuil. Le recueillement est comme un rendez-vous avec la relation qui nous unissait à l’être aimé. Ce rendez-vous facilite le deuil, et permet, petit à petit, d’accepter l’absence. Mais lorsqu’un foetus meurt, il n’existe pas de lieu ou la famille peut venir se recueillir et rendre hommage à la petite vie partie trop tôt.
Dans la forêt cinéraire d’Arbas, il existe un espace arboré dédié aux familles confrontées à ce deuil. Elles peuvent déposer une étiquette avec le prénom du bébé, afin d’avoir un lieu physique ou faire vivre leur relation à leur enfant. C’est d’ailleurs ce qui a motivé Elia Conte Douette à créer la forêt cinéraire : à la suite de la perte d’un petit frère, elle a cherché un lieu de recueillement autre que le cimetière, où elle ne se sentait pas à l’aise. À force de chercher sans trouver, elle a fini par le créer.
La symbolique de l’arbre
Depuis la nuit des temps, l’arbre inspire, dans toutes les cultures, religions et sagesses anciennes. L’arbre de vie existe aux quatre coins du globe : mystérieux, fort, éternel, protecteur… Il a toutes les qualités pour être symboliquement la dernière demeure de l’être humain. Transformer une forêt en un lieu de repos pour la personne dont la vie se termine, et pourquoi pas comme lieu de cérémonie, c’est rappeler à chaque personne qui viendra s’y recueillir, que l’être humain n’est pas extérieur à cette nature, il en fait partie.