
Le principal objectif du baromètre sur le vécu du deuil est de mettre en lumière les difficultés majeures rencontrées par les individus en période de deuil. Cette démonstration a pour ambition d’alerter les pouvoirs publics et la société civile sur la dimension du deuil en tant qu’enjeu de santé publique.
Une partie fondamentale de cette étude consiste à analyser l’évolution de l’expérience du deuil depuis 2016. En parallèle, une analyse approfondie a permis d’examiner les résultats en fonction de critères tels que :
- La cause et le lieu du décès (maladie, accident, suicide, domicile, établissement de santé, etc.).
- La situation familiale du défunt et de l’endeuillé (conjoint, parent, enfant, célibataire, etc.).
- Le niveau et les sources de soutien reçus (professionnel, familial, associatif, amical).
- Le lieu de résidence (urbain, rural, densité de services disponibles).
De manière plus qualitative, cette étude s’attache à identifier et décortiquer les facteurs qui, d’une part, aggravent la difficulté du processus de deuil (isolement, stigmatisation, circonstances brutales, etc.) et, d’autre part, les mécanismes et soutiens qui se révèlent le plus aidants et protecteurs.
Comment définir le deuil ?
À la suite d’un décès, évènement vécu comme traumatisant, va débuter la période du deuil. On ressent le deuil, parce que l’on se sent attaché et uni à l’autre. Être en deuil c’est vivre un déchirement, ressentir le manque de l’autre, c’est être confronté à l’absence définitive de l’autre. Cette déchirure peut se traduire par des émotions très diverses : la colère, la peur, l’angoisse, la détresse, la culpabilité …
La cérémonie des obsèques marque généralement le début de cette période. Les derniers au revoir au défunt sont le passage vers la traversée qu’est le deuil. Chacun vit la période de deuil à sa manière et à son rythme. Aucun deuil ne ressemble à un autre : deuil de son conjoint, deuil d’un parent, ou encore un deuil vécu par un enfant seront exprimés différemment.
Les émotions ressenties pendant le deuil vont varier. Parfois la personne endeuillée aura l’impression de régresser, de retrouver une émotion qu’elle pensait avoir dépassée. Mais le deuil est comme ça, à l’image d’un périple, il est parsemé de variations, il fluctue avec le temps.
On peut le considérer comme un processus de reconstruction. Il mènera, petit à petit, la personne endeuillée à réinvestir sa vie, à accepter ses souffrances et sa désolation, tout en gardant le souvenir du défunt.
Pour recruter les sujets à interroger, l’étude du CREDOC a utilisé la question : “Avez-vous vécu, au cours de votre vie, le décès d’une personne qui vous a particulièrement affecté ?”. En 2025, 89% des personnes déclarent avoir vécu un décès qui les a particulièrement affectés au cours de leur vie, ce qui représente plus ou moins 4 points par rapport à 2016.
Comprendre le deuil prolongé et ses conséquences
Aujourd’hui, la psychologie retient que le deuil normal est un processus qui se caractérise par trois phases. Il dure la plupart du temps jusqu’à un an. Le début du deuil est une phase traumatique. Le milieu du deuil est une phase de dépression ou de repli. La troisième phase est une phase de réorganisation. Phase durant laquelle la personne endeuillée va effectuer un retour à la vie progressif, caractérisé par le retour des envies.
Il existe aussi ce qu’on appelle le deuil compliqué. C’est un deuil dont les manifestations émotionnelles vont être différentes : soit annulées, soit exacerbées. Puis, lorsque le deuil se prolonge ou laisse place à des troubles dépressifs ou anxieux, on va parler de deuil pathologique.
Récemment, est paru le nouveau manuel qui sert de guide aux psychologues et psychiatres : le DSM-5. Auparavant, dans le DSM-4, le deuil était une simple situation qui pouvait nécessiter un entretien clinique pour le patient. Aujourd’hui, le deuil pathologique ou deuil prolongé, est classifié comme une pathologie si les symptômes (lisez notre article pour connaître sont toujours présents après 12 mois pour l’adulte et après 6 mois pour l’enfant.
Dans la nouvelle étude du CREDOC, les statistiques estiment que plus de sept personnes sur dix sont susceptibles de souffrir d’un trouble du deuil prolongé cumulent les dix difficultés proposées : solitude, manque profond, douleur émotionnelle, perte de sens, difficulté à croire au décès, détaché engourdi, difficile de se réengager, éviter le souvenir du défunt, confusion, agir au quotidien.
Le mode de sépulture a t il un impact sur le deuil ?
En France, la loi autorise deux modes de sépultures : l’inhumation et la crémation. Faire un choix entre l’enterrement et la crémation est compliqué. Généralement, ce choix est guidé par les croyances religieuses, par les valeurs écologiques, ou encore par le coût des obsèques.
Le nombre de crémations est en hausse chaque année. Aujourd’hui, il représente environ un tiers des décès. Face à ce changement de mœurs, il est légitime de se poser des questions sur le déroulement de la crémation et l’impact que cette pratique peut avoir sur le déroulement du deuil.
En temps qu’organisme de pompes funèbres nous ne saurions que trop insister sur l’importance de la cérémonie pour les obsèques. La cérémonie célèbre à la fois la vie du défunt, mais elle représente également un passage pour les vivants. En effet, elle permet de rassembler, de partager les souvenirs et de marquer symboliquement la séparation. La cérémonie d’enterrement est une étape fondamentale. Elle ne s’adresse pas uniquement au défunt : elle est d’abord conçue pour celles et ceux qui restent. Dans cette perspective, elle devient un acte profondément humain. C’est un espace de parole et de recueillement qui aide à ouvrir la porte du deuil. Lorsque le défunt a fait le choix d’une crémation, la cérémonie est parfois négligée, le deuil peut alors s’en trouver impacté. A cela s’ajoute l’absence de lieu de mémoire. Sans sépulture pour se recueillir, les proches du défunts devront trouver d’autres moyens de panser leur blessure.
C’est pourquoi la nouvelle étude du Credoc démontre que plus de la moitié des individus estiment que la dispersion des cendres en pleine nature complique au moins un peu leur vécu du deuil.
L’impact du deuil sur la vie professionnelle
Lorsqu’un décès est survenu, les proches du défunt ont besoin d’un peu de temps pour réaliser la perte. Ils ont aussi le devoir d’organiser le départ du défunt, en organisant ses obsèques. La loi prévoit donc des aménagements afin de prendre le temps nécessaire, grâce à un congé de deuil. Cependant, ce congé étant très court, il laisse peu de temps à la personne fragilisée pour se réorganiser dans cette nouvelle vie, avec l’absence du défunt. Il existe d’autres solutions comme la possibilité de faire un aménagement de poste ou de demander un mi-temps thérapeutique.
L’étude du CREDOC montre une hausse des conséquences négatives sur le plan professionnel et financier des personnes en deuil.
- 25% des personnes actives lors du décès se sont absentées de leur travail durant une semaine ou plus.
- 12% des actifs endeuillés ont même dû quitter leur travail en raison de ce décès.
- 62% des personnes interrogées déclarent avoir eu du mal à se concentrer dans leur travail au moment d’un deuil.
Près d’un tiers des actifs n’ont pas été informés par leur employeur du nombre ni de la nature des congés auxquels ils avaient droit. Dans l’ensemble, les personnes interrogées jugent particulièrement insuffisantes les durées légales des congés prévues lors du décès d’un proche.

Nos conseils pour apporter du réconfort à une personne endeuillée
1. Oser parler de la personne disparue
La mort suscite des émotions intenses, souvent difficiles à exprimer. Par peur de blesser ou de « raviver la douleur », on évite parfois d’évoquer le défunt. Pourtant, continuer à parler de la personne décédée est essentiel. Cela montre qu’elle demeure présente dans les mémoires et qu’elle compte toujours.
N’ayez pas peur d’utiliser les mots mort ou décès : aborder ces réalités reflète votre disponibilité à entendre la souffrance et à accompagner l’autre dans ce moment délicat.
2. Offrir une écoute sincère et attentive
Être là pour quelqu’un qui vit un deuil, c’est souvent moins parler que laisser la place à sa parole. Le fait de raconter, de nommer la peine, aide à traverser la perte.
Votre écoute bienveillante devient alors un véritable soutien : elle permet à la personne endeuillée de déposer ses émotions et de se sentir moins seule face au chagrin.
3. Aider dans les gestes du quotidien
Le deuil épuise, fragilise et rend les tâches quotidiennes plus difficiles. Proposer une aide concrète est un geste précieux : apporter un repas, accompagner aux courses, garder les enfants, aider à ranger les affaires du défunt ou soutenir dans les démarches administratives.
Ces attentions simples, mais essentielles, montrent que vous êtes présent d’une manière à la fois réconfortante et utile.
4. Briser l’isolement : un soutien vital
Lorsqu’on souffre, on a parfois tendance à s’isoler, par honte, par fatigue ou par vulnérabilité. Pourtant, c’est précisément dans ces moments que la présence des autres est nécessaire.
Certaines périodes comme les fêtes ou la crise sanitaire de 2020 ont rappelé à quel point la solidarité et les moments de partage jouent un rôle crucial dans le processus de deuil.
5. Selon la relation : adapter sa manière d’aider
Réconforter un ami, un collègue ou une connaissance en deuil ne se fait pas de la même manière. Mais quelle que soit la proximité, votre présence et vos mots de condoléances restent un geste précieux.
Et si la personne endeuillée refuse le contact ou se replie, il est possible de l’orienter vers une association spécialisée dans le deuil, qui pourra l’accompagner par des groupes de parole ou des rencontres dédiées.