La question écologique est au coeur de l’actualité. Le 6 mai 2019, l’IPBES, plateforme scientifique mondiale sur la biodiversité, a publié un rapport dramatique sur l’état de la biodiversité sur notre planète.
« La nature décline globalement à un rythme sans précédent dans l’histoire humaine – et le taux d’extinction des espèces s’accélère, provoquant dès à présent des effets graves sur les populations humaines du monde entier ».
Experts, professionnels, particuliers, chacun cherche des solutions pour ralentir le réchauffement climatique, et réduire ses émissions de carbone. Dans notre article sur la crémation et l’écologie, nous dressions un bilan carbone appliqué aux funérailles et à la crémation. Lors d’une crémation, ce sont 160kg de CO2 qui sont rejetés dans l’atmosphère. Quant à l’inhumation, elle rejette 39 kg de CO2 dans l’atmosphère. Mais les cimetières ont un impact plus lourd sur l’environnement. En effet, les stèles, l’utilisation de pesticides et d’eau pour l’entretien du terrain sont plus polluants à terme. En prenant tous ces paramètres en compte, les inhumations sont responsables de 10 % d’émissions en plus, à long terme.
La France a commencé à prendre des mesures pour essayer de rendre plus écologique la crémation en obligeant les crématoriums à s’équiper de filtres afin de limiter l’émission des gaz toxiques. Des entreprises du secteur funéraire se penchent aussi sur des solutions plus écologiques. Par exemple en utilisant des cercueils en cartons, ou des urnes biodégradables …
L’humusation, ou la réduction du corps en compost, est une des alternatives qui est en train de faire parler d’elle tant elle présente de réponses aux problèmes de pollution. Il s’agit d’un processus contrôlé de transformation des corps par les micro-organismes dans un compost composé de broyats de bois d’élagage, qui transforme, en 12 mois, les dépouilles mortelles en humus sain et fertile. (D’après le site belge humusation.org)
Comment se déroule une humusation ?
Dans un premier temps, le défunt serait libéré de tous ses bijoux, et objets non dégradables. Il serait ensuite enveloppé dans un linceul en tissu biodégradable et déposé sur un lit de plus ou moins 20 cm d’épaisseur constitué de broyats et de copeaux de bois, dans un cimetière écologique ou “jardin de la métamorphose”. Il serait ensuite recouvert d’une épaisse couche de ce mélange, fortement imprégné d’eau de pluie contenant un accélérateur de décomposition.
Ce procédé permettrait de tuer les germes pathogènes, de décomposer les molécules chimiques accumulées dans notre corps, tout en éloignant les charognards. Au bout de trois mois, les chairs et autres matières molles du corps auraient disparu. Un an plus tard la totalité du corps serait métamorphosée en humus, un compost très fertile d’environ 3m³.
Pour que le processus s’accomplisse jusqu’à la décomposition totale du corps il doit se faire par le biais d’un humusateur : une personne formée et qui connait les étapes de décompositions.
L’humusation est-elle autorisée par la loi en France ?
En France, seule l’inhumation et la crémation sont légales. La loi française n’autorise donc pas encore l’humusation des corps après la mort. Bien sur, si ce procédé écologique venait à être accepté dans notre pays, il ne serait qu’une alternative de plus. Le choix du mode de sépulture restera à l’initiative du défunt ou de sa famille. Le procédé du compostage humain peut déranger certaines personnes.
Cependant, la légalisation du compostage humain serait une avancée tant écologique que sociologique dans notre pays. Après tout, il y a cinquante ans la crémation était inenvisageable. Symboliquement, rendre à la terre pour laisser une empreinte écologique positive est le souhait de beaucoup de personnes. Celles-ci déplorent que l’état français ne débloque aucune alternative écologique pour les funérailles.
Le 15 décembre 2022, Nathalie Goulet, Sénatrice de l’Orne depuis 2007, a déposé une demande de modification de la loi en faveur de l’humusation auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires. Ce à quoi le Sénat a répondu que cette évolution de la réglementation nécessite une réflexion approfondie portant sur les conséquences éthiques, sociétales et environnementales de tels choix.
Un pétition a été lancée en France, elle a récolté 25000 signatures.
Quel est le prix d’une humusation ?
Le prix pour être enterré grâce au procédé d’humusation ne pourra être fixé qu’après communication de toutes les exigences légales des autorités. Pour l’instant, on peut juste avancer qu’il pourra être avantageux dans la mesure ou il ne nécessite moins d’achats. En effet, l’humusation se fait sans cercueil, mais sans frais de crémation, ni de travaux de cimetières ou de sépulture. Cependant, le compostage humain est un procédé long qui nécessite des experts sur place pendant un an. Il n’existe à ce jour aucun service similaire pour effectuer une comparaison.
L’entreprise Recompose, basée à Seattle, propose l’humation d’un corps pour 7000$. Ce prix comprend la transformation du corps en humus, la possibilité pour les proches de conserver ou de donner cet humus et un soutien tout au long du parcours. Il ne comprends donc pas de cérémonie, d’accompagnement aux démarches.
Dans quels pays l’humusation est-elle autorisée ?
Depuis quelques années, en Belgique, un collectif de spécialistes bénévoles fait pression sur les politiques pour faire reconnaître l’humusation comme pratique légale. Il souhaite ainsi donner le choix aux familles de se métamorphoser et nourrir la terre. Ils ont déjà obtenu la modification d’un décret par l’ajout de trois points de suspension. “Seul sont autorisées les pratiques de l’inhumation, la crémation … ». Plus récemment, le 3 mai 2022, la commission de l’Environnement du Parlement de la Wallonie a demandé de fournir des preuves tangibles de l’intérêt écologique de leur projet. L’expérience a été menée sur des porcs.
En 2023, l’étude scientifique a démontré l’inefficacité de l’humusation et à même révélé des risques potentiels de pollution des sols en nitrate et ammoniaque. Suite à quoi, le ministre bruxellois des Pouvoirs locaux, Bernard Clerfayt, a confirmé que l’humusation demeure interdite en Région bruxelloise. Il a souligné qu’une réflexion est en cours pour explorer d’autres méthodes d’éco-funérailles.
Ce sont les États-Unis qui sont pionniers dans le domaine. Dans l’état de Washington, le projet de loi SB 5001, qui vise à faire émerger cette alternative a été adopté le 9 avril 2019. Il est entré en vigueur en mai 2020. Depuis 5 autres états ce sont mis aux funérailles écologique, le plus récent étant l’état deNew York.
Pour terminer sur une note positive, le rapport sur la biodiversité dont nous parlions en début d’article précise :
« Il n’est pas trop tard pour agir. Mais seulement si nous commençons à le faire maintenant à tous les niveaux, du local au mondial »