La ville de Thonon-les-Bains, a récemment fait la une de l’actualité pour un fait divers qui interroge et pose les limites du fonctionnement du cimetière. Il y a quelques mois, une jeune fille transgenre est morte, sa famille a souhaité inscrire son prénom d’usage sur sa pierre tombale, mais le maire à refusé cette demande, demandant à la famille que soit inscrit son ancien prénom puis la mention “dit unetelle”.
Où en est la loi en matière de trans identité ?
Transgenre, cela signifie qu’elle est née garçon, et qu’elle est devenue femme. Aujourd’hui la loi sur la trans identité autorise les personnes à changer de sexe sur leurs documents d’identité ainsi que changer de prénom, même si la personne n’a pas subit d’acte de chirurgie en ce sens.
Que doit-on inscrire sur une pierre tombale ?
Il n’existe pas de texte de loi imposant que soit inscrit le nom et le prénom du défunt ainsi que ses dates de naissance et de mort, c’est l’organisation des cimetières qui le veut, dans un souci pratique. En revanche, il existe un texte de loi qui place le maire comme arbitre, c’est à lui que revient la mission d’approuver une inscription.
Selon l’article R. 2223-8 du CGCT, il est précisé : « Aucune inscription ne peut être placée sur les pierres tumulaires ou monuments funéraires sans avoir été préalablement soumise à l’approbation du maire. » Le maire peut interdire une inscription, par exemple un commentaire qui porterait manifestement atteinte à l’ordre public. Mais il est aussi dans son droit lorsqu’il refuse un nom d’usage. Dans cette affaire, le flou juridique réside dans le fait qu’il serait aussi en droit d’accepter le nom d’usage, il n’existe pas de loi qui le lui interdise.
Le dossier du changement de prénom de la jeune défunte était en cours, mais n’était pas encore terminé au moment de sa mort, c’est la raison du litige, le maire s’est opposé à ce que soit inscrit ce qui aurait dû être son prénom. Pour la famille, c’est un coup bas, l’inscription de son ancien prénom, masculin, étant clairement un non-respect des volontés de la jeune femme et même une offense à sa mémoire.
Le maire a accepté d’inscrire l’ancien prénom accompagné de la mention “dit + le nouveau prénom”, mais la famille refuse, soulignant qu’une telle inscription pourrait justement porter atteinte à l’ordre public et attirer des dégradations de la sépulture par des personnes transphobes ou homophobes.
Que faire en cas de litige ?
Heureusement, la loi prévoit une échappatoire ! Dans un cas comme celui-ci, mais aussi dans tous les cas de refus, le tribunal de grande instance est compétent pour trancher et donner son approbation ou au contraire appuyer la position du maire.
Cette histoire révèle tout de même une faille, un vide juridique qu’il serait important de combler. Le but d’une sépulture n’est-il pas de rappeler le souvenir de celui ou celle qui l’occupe ? Si la sépulture ne peut pas représenter la personne telle qu’elle était, elle perd toute son utilité. De plus, dans le funéraire il y a bien une règle à laquelle on ne peut déroger : la volonté du défunt prime. Aujourd’hui pour avoir le droit de faire graver une inscription, le marbrier doit passer par le bureau des concessions du cimetière, qui lui-même doit demander l’approbation du maire. C’est le cas pour les gravures, mais aussi pour les sculptures, ce fut le cas pour la sépulture du dessinateur de Charlie Hebdo, Siné, qui souhaitait mettre sur sa tombe un énorme doigt d’honneur avec l’inscription “mourir, plutôt crever”. Cette volonté a fait l’objet d’aller et retour pour que finalement soit acceptée un la sculpture d’un cactus en bronze d’1,70 m en forme de doigt d’honneur (à la mort), jugée moins controversée qu’un vrai doigt d’honneur.
Heureusement que certaines sépultures obtiennent l’approbation du maire, sinon dans les cimetières, beaucoup de célébrités passeraient inaperçues. Au cimetière du Père Lachaise la “liberté d’expression post mortem”, si on peut l’appeler ainsi, s’est complexifiée, puisqu’en plus de passer aux bureau des concessions, puis chez le maire, les pierres tombales doivent désormais passer également par le bureau des architectes des bâtiments de France.